Rapprochement familial des détenus : inconstitutionnalité et vote d'une loi
-Saisi par le Conseil d'État d'une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 34 de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, le Conseil constitutionnel a rendu une décision de non conformité totale le 8 février 2019 (décision n° 2018-763 QPC du 8 février 2019).
Cet article dispose que « Les prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement ».
L'association requérante (Section française de l'Observatoire international des prisons) reproche à cet article de ne prévoir aucune voie de recours permettant au détenu prévenu de contester l'avis conforme par lequel l'autorité judiciaire peut s'opposer au bénéfice du rapprochement familial.
En effet, ni la loi du 24 novembre, ni la jurisprudence du Conseil d'Etat ne permettent de contester l'avis défavorable du magistrat judiciaire.
S'appuyant sur l'article 16 de la DDHC de 1789, le Conseil constate qu'il n'existe pas de recours juridictionnel effectif contre la décision administrative de refus de rapprochement familial lorsque celle-ci fait suite à l'avis défavorable du magistrat judiciaire. Et par conséquence, cet absence est contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel a donc déclaré l'article 34 de ladite loi contraire à la Constitution. Cependant il a reporté son abrogation au 01 septembre 2019 et a précise qu' «afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que les avis défavorables pris sur le fondement des dispositions litigieuses par les magistrats judiciaires après la date de cette publication peuvent être contestés devant le président de la chambre de l'instruction dans les conditions prévues par la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 145-4 du code de procédure pénale "
Lundi 18 février 2019, pendant la 2ème séance de vote de la loi de programmation 2018-2022 et réforme de la Justice, l’Assemblée Nationale a voté un amendement (sans débat) permettant de tirer les conséquences de cette inconstitutionnalité en ces termes :
I. – Après l’article 145-4-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 145-4-2 ainsi rédigé :
« Art. 145-4-2. – Lorsque la personne mise en examen est placée en détention provisoire, le juge d’instruction peut décider de prescrire à son encontre l’interdiction de correspondre par écrit avec une ou plusieurs personnes qu’il désigne, au regard des nécessités de l’instruction, du maintien du bon ordre et de la sécurité ou de la prévention des infractions. Il peut pour les mêmes motifs décider de retenir un courrier écrit par la personne détenue ou qui lui est adressé.
« Les décisions mentionnées au premier alinéa sont motivées et notifiées par tout moyen et sans délai à la personne détenue. Celle-ci peut les déférer au président de la chambre de l’instruction, qui statue dans un délai d’un mois par une décision écrite et motivée non susceptible de recours. « Après la clôture de l’instruction, les attributions du juge d’instruction sont exercées par le procureur de la République selon les formes et conditions prévues au présent article. Il en est de même dans tous les autres cas où une personne est placée en détention provisoire.
« Lorsque la procédure est en instance d’appel, les attributions du procureur de la République sont confiées au procureur général. « Les autres décisions ou avis conformes émanant de l’autorité judiciaire prévus par les dispositions réglementaires du présent code ou par la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire et relatifs aux modalités d’exécution d’une détention provisoire ou à l’exercice de ses droits par une personne placée en détention provisoire peuvent, conformément aux dispositions du présent article, faire l’objet d’un recours du détenu ou du ministère public devant le président de la chambre de l’instruction.»
Maître Amna OUERHANI
mail : contact@ouerhani-avocat-lyon.fr
tel : 06.26.59.26.50
Commentaires
Rédigez votre commentaire :
Les réactions des internautes
<% comment.content %>
<% subcomment.content %>